J’atterris aux alentours de vingt trois heures. Ce soir là, j’entrave mes talons hauts dans un groupe de retraités qui se fait un malin plaisir de piler tous les dix pas pour photographier l’aéroport. Les vitres de l’aéroport. Les hôtesses à l’aéroport. Les palmiers dans l’aéroport. « C’est un vrai palmier André ! Mais non, c’est un faux. Je te dis que c’est un vrai : fais la photo !»

Je sors enfin, le souffle court, il fait trente degrés. Le jetlag me donne des hallucinations. Je crois m’être trompée de destination. Devant les portes du terminal, des dizaines d’hommes patientent, accroupis, en équilibre sur leurs pieds. La posture typique des indiens. Comme à Bombay. Voilà ma première image de Dubaï, une nuit de juillet. J’apprendrai par la suite que la moitié du Kerala vit et travaille ici.

Avant d’arriver dans cette ville, j’ai quelque a priori, je l’avoue. En cherchant un hôtel, je ne trouve que des chambres avec vue panoramique, piscine sur le toit, mini-golf intérieur et bains à remous standardisés. Mes standards à moi sont très simples : un certain budget à ne pas dépasser et si possible un peu d’authenticité. Une équation pleine d’inconnus dans l’émirat.

Pourtant après moult recherches, je déniche le XVA Gallery Hotel. Situé dans le quartier de Bastakiya, décrit comme « authentiquement historique » et le plus vieux de Dubaï.
Le taxi ne me dépose pas devant l’hôtel mais devant l’entrée du quartier –uniquement piéton- qui ressemble à minuit passé à un labyrinthe que Dédale ne saurait résoudre.
De nombreuses maisons basses aux toits plats. Des ruelles étroites éclairées par une lumière ténue. Pas âme qui vive alentours. J’avance dans ce qui semble être un décor de cinéma posé là depuis quelques années. Les rues sont habillées d’un faux gazon en plastique vert qui crisse sous les pieds comme si dans la désertique Dubaï un gazon anglais pouvait pousser. L’architecture d’inspiration perse donne à ce lieu un goût enchanteur mais sonne un peu faux.

Il est minuit passé lorsque je pousse la porte d’entrée de l’hôtel, un riad reconstitué. Des céramiques, des plantes grasses, des arcades, un patio central intérieur et un calme rare. Loin du centre-ville –si centre il y a-, sans piscine et sans télé non plus. L’hôtel possède une galerie et accueille régulièrement des expositions et des performances artistiques. Lorsque j’arrive, des danseurs ont jeté leur dévolu sur la porte de ma chambre devant laquelle ils dansent à tout rompre. Mon sens artistique me fait défaut à cette heure de la nuit. Ma valise et moi nous impatientons. La musique s’achève enfin et je file dans ma chambre avant le salut final.

A l’intérieur, tout est décoré avec soin dans un style arabisant absolument dépaysant et chaleureux. La chambre est agréable et la salle de bain spacieuse. Je me sens telle une Shéhérazade dans son riad.

Puis vient le jour et je découvre Dubaï.

Dubaï et son paysage lunaire. A la différence des cartes postales et sans photoshop, Dubaï dans la vraie vie est une ville qui subit les assauts du sable désertique qui l’entoure. Il donne à la ville une allure de fin du monde ou de début d’enfer. Le paysage est toujours un peu blanc et poussiéreux. Il reste des terrains immenses en friche où les constructions, amas de grues et bulldozers s’entassent et brassent mollement le sable dans les airs. Avec la crise, on me dit que les constructions ont diminué. Certaines tours ont donc stoppé à mi-chemin leur ascension jusqu’au ciel blanc poudré.

J’ai découvert les élans assouvis d’architectes du monde entier dans les tours près de Jumeirah Beach. Ils s’en sont donnés à cœur joie et avec une liberté inégalée pour faire se tordre les buildings, les farder de dorures, leur donner des allures de films de science-fiction et cela avec toujours plus de hauteurs. Architectes hommes sans doute, comme si la taille comptait.

Je suis rentrée dans les célèbres centres commerciaux qui ont fait de la ville sa réputation. La seule attraction pour touristes en mal d’achats -exorbitants- compulsifs. Pour lutter contre la chaleur extérieure, les « mall » fonctionnent avec des climatisations à plein régime. Pourtant l’air vient à manquer souvent.
Ces « mall », sortes de poumons malades renferment des aquariums à faire pâlir le Marineland d’Antibes et Seaworld réunis. Où l’on peut contempler des poissons esclaves toiser la masse qui toque continuellement de ses doigts couverts de gras sur leurs vitres-prisons.

Je suis restée coite devant la consommation effrénée dans les boutiques de luxe où des familles entières sortent avec autant de paquets qu’une veille de Noël en plein mois de juillet. Les noms des boutiques inscrits sur les enseignes pouvant à elles seules clôturer un compte en banque.

J’ai observé la bien-connue piste de ski sous les néons et sa remontée mécanique empruntée par des femmes en niqabs exultant sur une neige artificielle. Des flocons presque réels, sans les Alpes autour.

Puis en émergeant avec peine du Dubaï Mall, je remarque un concept étonnant de séances photos de série.  Des touristes par centaines à la queue leu leu se font tirer le portrait devant la plus haute tour de Dubaï la Burj Khalifa -encore un architecte en mal de virilité-.
Les photographes improvisés se font un malin plaisir de vendre à ces pauvres hères un souvenir de rêve artificiel avec -j’ai compté- dix postures possibles. Pas une de plus, ni une de moins. Et je continue de me demander quel intérêt peut-on trouver à accrocher dans son salon ce phallus de verre géant.

Hormis le sable, Dubaï est d’une propreté gênante. Tout est reluisant et sans ratures. Pas une personne ne traîne dans les rues. Pas de papiers. Pas de cris ni de rires. Pas de plaintes non plus. Le métro volant surveillé par plus de trois mille caméras est le plus propre et le plus luxueux que l’on pourrait imaginer. Dubaï est monstrueusement construite de tours qui se serrent les unes aux autres et nous dominent. Dubaï est une ville faite d’âmes de passages à quatre-vingt pour cent. D’expatriés venus se remplir le porte-monnaie et le vider ensuite dans des bitures nocturnes ou le dépenser dans des boutiques de luxe aux noms à consonance française.

Dubaï est un monde à part où les niqabs cachant de véritables beautés des milles et une nuit côtoient les touristes en strass, d’une vulgarité sans égal.

Dubaï m’a laissée de marbre. De Carrare, comme celui utilisé là bas. Mais Dubaï m’a surtout laissé un goût étrange. Trop de trop. Trop de surenchère visuelle dans cette ville. Trop de superlatifs pour la qualifier. Une propreté suspecte. Trop propre pour être honnête. Lisse comme un macaron Ladurée, le bon goût en moins.

XVA Gallery Hotel
Building 7
DIFC Gate Village
Dubai
Email: xva@xvagallery.com
Phone: +971 4 358 5117
Fax: +971 4 358 5172
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