Dans le chaos vrombissant des vespas aux moteurs rafistolés, au son des ferrys sortant du port, dans la foule incessante de costumes taillés sur mesure mi-businessmen mi-mafiosi, je déniche une trouvaille inégalée.
L’hôtellerie en Italie est toujours pleine de surprises. A Naples, c’est un coup de poker.
Ville affranchie et déchainée, ici, les chaînes d’hôtels franchisés ne connaissent aucun standard. Difficile de choisir où passer la nuit. Une nuit au Golden Hotel se mérite. Cela sous-entend de réussir l’examen de conduite pour y accéder : feux rouges à griller évidemment, sens interdits à prendre naturellement, attente en triple file obligatoire. Longtemps déçue par mes nuits napolitaines, je peux dire que j’ai enfin trouvé celui à qui je vouerai désormais fidélité à chacun de mes séjours. Il se situe en plein cœur de la ville, à deux pas de la Via Toledo.
Moderne tout en étant chaleureux, spacieux sans pour autant être anonyme. Les chambres sont décorées avec goût laissant entrevoir le véritable talent d’esthète des italiens. Loin, bien loin, de la combinazione -l’art du systeme D- dont ils sont pourtant spécialistes.
Propreté impeccable du sol au plafond, les chambres sont bien agencées, les salles de bain zenifiantes. Petit déjeuner complet et satisfaisant. Préférez malgré tout l’espresso ristretto aux jus de fruits – combinazione– proposés. L’accueil est professionnel, serviable et disponible, pour un conseil ou pour une discussion à bâtons rompus (et avec les mains) après une journée de travail éreintante.
Lorsque je m’apprête à régler ma nuitée, il y a déjà du monde qui attend. Je patiente, jusqu’à ce que je comprenne que dans le lot, très peu sont des clients.
Un homme en survêtement et en chaussons se plaint de sa femme ne regardant pas le football, il est venu voir le match à l’hôtel. Sans prendre de chambre, non. Juste pour regarder la télé.
Un autre veut utiliser « l’internet » sur l’ordinateur de la réception. Il n’a jamais su comment ça fonctionnait mais l’administration lui a envoyé un courrier à lire sur l’écran.
Pendant ce temps là, un vieux monsieur écoute la conversation. Costume trois-pièces, légèrement mal rasé. On dirait un parrain mafioso.
Il interrompt les différentes conversations et se plante à l’accueil à côté de moi. Il dit qu’il arrive de l’aéroport. Qu’il y a cinquante ans, il a émigré en America, alors qu’on pourrait bien lui laisser la priorité. Le Signore est un peu fatigué. Il explique son retour compliqué à Naples. La longueur du voyage et le bonheur de sentir Napulè. Il perd un peu ses mots et mélange l’italien et l’anglais. L’homme en survêtement observe, intrigué. De mon côté, je ne comprends traitre mots de ce qu’il dit. Il roule les « r » en anglais et continue en dialecte.
Le propriétaire me regarde, sourit et lâche, coquin à l’italienne : » Vedi, il Signore vuol fare l’americano ma he speaks Napoletano! »
Golden Hôtel Via dei fiorentini, 51 80133 Napoli tel. +39 081 251 4192