Sur la côte adriatique, il y a Ancône que nombre de gens connaissent. Et puis, il y a Pesaro. Et à Pesaro ce jour là, on dirait qu’il n’y a que moi. Il pleut, il fait froid et sombre, je me demande ce que je fais là. Après l’ultime rendez-vous de la journée, mon estomac crie famine. La meilleure chose à faire plutôt que de partir à l’aveugle, c’est de demander conseil aux gens du coin. C’est ce que je fais.
J’alpague un homme en pleine conversation téléphonique légèrement titubant mais le seul que je croise. Je lui demande avec les mains –pour ne pas trop le déranger et parce que bon nous sommes en Italie – où je peux manger.
Tout en continuant sa conversation il m’indique une ruelle derrière moi. Je ne sais pas s’il a bien compris mes gesticulations car la rue qu’il m’indique semble -comme la qualifierait ma mère- « mal famée ».
J’avance peu convaincue et je l’avoue un peu inquiète. J’imaginais plutôt aller me déhancher à Rimini. Ce ne sera pas pour cette fois. Je n’écoute que ma faim et remonte la rue bordée de hangars à bateaux et de bouts ferrailles entreposés le long du chemin.
Lorsque je pousse la porte du restaurant, je remarque qu’il n’y a que des habitués attablés et la télé allumée. Une grande salle, un peu froide et sombre. Mais le spectacle de ce qui arrive dans mon assiette m’ôte tout sentiment de solitude.
Un poêlon fumant digne des dimanche midi chez ma mère m’est attribué. La sauce mijote encore. Je crois devoir partager avec les autres convives ce plat comble, mais la casserole est posée là devant moi. Elle n’attend que moi pour la dévorer.
C’est absolument gargantuesque. Mais j’ai à l’esprit l’adage de mon père pour ne pas gaspiller « Chez nous, on mange tout ! ». J’applique donc les préceptes que l’on m’a inculqués. J’ai tout mangé.
Mes pates aux coquillages ont le parfum des profondeurs méditerranéennes et sont mouillées de vin blanc. C’est un régal. Une symphonie de saveurs dans ma bouche. La première bouchée à quelque chose du divin. A la deuxième portion, je juge qu’il est temps d’arrêter. A la troisième, je détache discrètement le premier bouton de mon pantalon comme pour les banquets de fête. Et lorsque je viens à bout de mon poêlon, j’ai le regard hagard et les joues rouges mais qu’importe. Impossible de laisser une miette de ce plat enivrant.
Si le cadre et l’accueil n’ont rien d’extraordinaire, la cuisine, elle, l’est véritablement. Un digestif est offert, je dirais même recommandé. Une vraie trouvaille au cœur de la côte adriatique dont je sors légèrement titubante. Je comprends alors la démarche de l’homme que j’avais croisé.
La Baita Strada tra i Due Porti 61121 Pesaro tel. +39 0721 403628