La meilleure façon de manger, c’est de mettre un pied devant l’autre et recommencer.
J’arrive un soir à la gare de la Part Dieu, à Lyon. J’ai faim, je meurs de faim. Après une journée fatigante, je veux éviter les fast-foods pour dîner ce soir. La faim creuse mon ventre comme un désert intérieur. J’ai résisté au wagon-bar du Paris-Lyon et à ses malingres sandwichs infâmes aux prix exorbitants. Alors ce soir, je veux dîner vraiment.
Pourtant dans ce quartier, on dirait que rien n’est fait pour accueillir le voyageur. Je m’entends. Il y a bien quelques restaurants autour de la gare. Mais rien de fameux au demeurant. Rien de très accueillant. Je suis presque tentée par l’immense centre commercial devant la gare. Il en sort des vagues de personnes portant à bout de bras des sacs et des cabas. Fort heureusement, la foule me rebute. Je voudrais juste un havre tranquille pour me reprendre de ma journée harassante.
Je décide de faire un dernier effort et lance mes talons au-delà du petit périmètre que j’avais espéré suffire. Je me retrouve dans un quartier calme et plutôt résidentiel. Le parfum et les effluves qui émanent de ce restaurant font frétiller mes papilles. Mes pieds, qui n’en peuvent plus de marcher, m’incitent aussi à rentrer au Danton.
Une toute petite salle. Une dizaine de tables. Je suis agréablement accueillie. On m’installe. Et comme dans tous les lieux où je me sens bien, je pose mon livre –compagnon de mes dîners solitaires-. La cuisine est face à moi. Lorsque la cuisine est à vue dans un restaurant, mon dîner se transforme en spectacle culinaire. J’aime voir le chef épicer, saler, poivrer, rôtir, faire mijoter et comme un prestidigitateur faire jaillir de ses fourneaux de nouveaux mets.
Quand mes plats arrivent, c’est une récompense pour avoir résisté à la nourriture facile. Une victoire sur mon ventre creux. Les goûts sont recherchés et prononcés. Le chef revisite des grands classiques de la cuisine lyonnaise à sa manière. Les lyonnaiseries sont surprenantes. Les traditions bousculées mais enchanteresses.
Ce soir, je me délecte de lentilles sauce vinaigrette verte des prés, d’un paleron de bœuf « cuit trois jours » et d’une tarte à l’ananas rôtie.
Parfois, il ne faut pas se fier aux apparences. La meilleure façon de manger, c’est de mettre un pied devant l’autre et recommencer…jusqu’à ces jolies découvertes.
On se le book quand celui-là ?
M.